Dans chaque numéro, nous proposons à quelqu’un qui baigne au quotidien dans le monde des startups ou qui est au contact de l’innovation, de nous donner sa vision du monde, ses focus du moment ou de nous parler de ses actions au cœur de cet univers.

Aujourd’hui : Christophe Routhieau, spécialiste du changement comportemental et en agilité et innovation organisationnelle en entreprise. Mais il préfère se présenter en ces termes : “Riche de plusieurs vies, j'ai eu la chance d'entreprendre de belles aventures ou de contribuer à celles, toutes aussi passionnantes, d'autres. Je suis avant tout passionné par les transitions sociétales. Actuellement directeur dans un cabinet de conseil en transformation, j'accompagne mes clients vers un travailler différemment.”

Comment Christophe va-t-il changer notre monde ? Il nous l’explique en s’intéressant au nouveaux modes de travail…

Pensez l’organisation comme si vous étiez tous à distance…

L’hybridation des lieux de travail était attendue comme le sujet de 2021.

Avec le recul et à l’heure où nous commençons l’année 2022 avec une nouvelle tension autour du Covid-19, ce qui se joue vraiment ce sont des modalités qui font gagner en flexibilité l’organisation, les collaborateurs et plus généralement les opérations.

La crise sanitaire a provoqué une expérimentation à grande échelle qui a modifié les perceptions des modes de travail et de management, et pour certaines organisations de nouveaux accords sur le télétravail. Il y a eu une vraie opportunité́ à saisir sur 2021 : aller au-delà du débat sur le télétravail, se réinventer et créer un mode de fonctionnement hybride, à distance et au bureau, le lieu du travail n’étant plus le garant de sa bonne exécution.

Mais à ce jour, nous n’y sommes pas.

Nous sommes dans un entre-deux. Oui les accords de télétravail ont évolué, oui, le nombre de jours de travail choisis en dehors du bureau a augmenté… Mais les conditions de travail qui rendent cela possible, efficace et bénéfique pour tous, n’y sont pas.

En fonction des organisations, le point de bascule se trouve autour de la deuxième journée de travail à distance. A défaut d’une organisation adaptée, certains bénéfices liés à cette pratique chutent. Une étude de l’Université de Louvain réalisée en juin de cette année, a révélé qu’au-delà de deux jours par semaine, l’impact positif sur la productivité s’atténue.

De plus, loin de la situation extrême liée au covid-19, il y a une évidence : le mode de fonctionnement hybride n’est pas nouveau, il n’est pas exclusivement lié à la possibilité de travailler de chez soi.

• Réussir cette organisation, c’est garantir un travail où que l’on soit, en déplacement, avec une autre équipe, chez un partenaire, un client,… bref autant de situations que vous avez vécues un jour ou l’autre.
• Réussir cette organisation, c’est aussi un travail plus flexible dans les temps, des temps en collectif ou des temps individuels, des temps qui peuvent s’adapter en fonction des contraintes de chacun,
• Réussir cette organisation, c’est enfin la rendre inclusive, tout d’abord pour vos collaborateurs, mais aussi vos partenaires, vos sous-traitants et plus généralement votre écosystème, où qu’il soit.

Et pourtant, un retour au fonctionnement traditionnel (le bureau) s’est fait petit à petit, la force de l’habitude pour certains, l’envie naturelle de se revoir, pour d’autres. Mais ce retour, ne s’est rarement accompagné d’un dialogue en profondeur pour partager les expériences vécues, les réussites et les difficultés, à l’aune des défis à venir.

L’organisation ne s’est pas donnée l’opportunité de vraiment changer. Un tel diagnostic était pourtant éclairant et aidait à construire les bases d’un nouveau travailler ensemble.

En s’autorisant la réflexion vers de nouvelles modalités de travail, au-delà de questionner les lieux, on questionne le travailler ensemble, la communication, la collaboration, la place des outils, les rôles,... pour nourrir le sens et l’engagement de chacun.

Dans une de ces récentes tribunes, Bruno Mettling, Ex-DRH d'Orange, revenait sur les grands enjeux du télétravail pour les entreprises en ces termes :

1. « Instaurer ce télétravail organisé requiert de la concertation, c’est un véritable contrat d’équipe à l’intérieur d’un cadre global qui fixe les grandes règles ». J’aime bien l’idée du contrat -un contrat issu d’une première concertation- mais j'ajouterai comme règle à ce contrat, qu’il doit vivre avec le temps, tout comme la concertation. Autorisons les équipes à expérimenter des fonctionnements, pour apprendre et valider ceux qui répondent à leurs attentes. Ce premier contrat serait une forme de MVO Minimum Viable Organisation (par analogie avec le MVP des équipes produits) qu’il faut éprouver et faire évoluer par l’amélioration continue.

2️. « Il faut aider les managers à définir les règles qui permettent au collectif de travailler avec la même fluidité lorsqu’ils sont en présentiel ou lorsqu’ils travaillent à distance. » Je ne suis pas si sûr que le manager et son collectif aient ou avaient des modalités de travail en présence fluides et efficaces, la situation actuelle nous invite à questionner l’ensemble, surtout pas une modalité par rapport à l'autre.

3. « Il faut à la fois former individuellement aux basiques du management et accompagner l’équipe en parallèle sur les règles de fonctionnement interne. » Oui, définitivement, un double accompagnement est indispensable, mais nous privilégions l’expérimentation à une formation sans lendemain.

Quel que soit le modèle exploré ou retenu, les conditions nécessaires au bon fonctionnement à distance constituent bien la nouvelle norme.

Il n’est pas question de passer à un fonctionnement 100% à distance, mais de considérer cette modalité comme étant l’organisation par défaut. Elle vous sera bénéfique où que vous soyez, et vous donnerez un sens nouveau à l’usage de vos bureaux. Mais cette modalité, pour réussir, doit s'appuyer sur des ajustements de l’organisation, de sa culture managériale et des outils digitaux, ce qui tarde à venir.

A titre exemple, lire votre fonctionnement comme 100% à distance, c’est :

• Considérer le travail à distance comme étant la norme, la présence au bureau l’exception, tout en autorisant la flexibilité des choix de chacun,
• Généraliser la communication et la collaboration en mode asynchrone,
• Réapprendre à documenter les cycles d’activités, les décisions associées,
• Systématiser les réunions à distance, surtout si elles soutiennent des décisions importantes pour l’équipe,
• Limiter les réunions, pour privilégier d’autres formats d’échange ou de synchronisation,
• Autoriser des temps de concentration déconnectés,
• …

Un tel cadre vous forcera à aborder les différentes questions, support de cette transformation, sous le bon angle. Le changement attendu ne pourra être effectif et durable que par une co-construction concertée par les collaborateurs et leur management et, surtout, un ‘vécu en commun’ des bénéfices.

Alors, comment sortir des constats ou des injonctions et avancer concrètement ?

Partez tout simplement de votre existant contraint et co-construisez votre organisation cible par l’amélioration continue ! Et surtout parlons-en :-)

Christophe Routhieau – Director @ Lecko